Irrix Films espère contribuer au renouvellement de la production indépendante

23 février 2021
Après avoir produit le documentaire Pygmalionnes, Irrix Films développe son premier long métrage de fiction et fourmille d’autres projets.

C’est en 2019 que le jeune réalisateur Quentin Delcourt, également directeur de la programmation du cinéma Majestic de Compiègne (Hauts-de-France), fonde la société de production Irrix Films afin de produire son documentaire Pygmalionnes en toute liberté. Le jeune cinéaste souhaitait y recueillir la parole de femmes issues de tous les corps de métier de l’industrie du cinéma, (actrices, réalisatrices, mais aussi productrices, exploitantes, agentes artistiques, etc), et aux visages, pour certaines, peu identifiés du grand public, quand la plupart des producteurs tentaient de lui imposer un casting de renom très normé. « J’ai compris à ce moment-là que je devais suivre mon instinct initial et trouver les moyens de faire le film moi-même si je ne voulais pas tomber dans les clichés d’un système clos, qui a parfois encore du mal à accepter la pluralité des voix de notre société » confie le jeune producteur de 29 ans. Aujourd’hui, Irrix Films amorce une nouvelle étape de son développement en augmentant son capital social à hauteur de 45 000 euros afin de produire des longs métrages de fiction et prétendre à des aides du CNC.

Parmi les projets les plus imminents de la société, on citera le long métrage de cinéma Les Mouettes, que Quentin Delcourt réalisera cette année. L’histoire suit le parcours de Simon, artiste numérique de 24 ans expatrié au Canada depuis plusieurs années, qui rentre en France pour s’occuper de sa mère, Marie, diagnostiquée bipolaire. Confronté à la violente réalité de cette maladie, Simon tentera par tous les moyens de retrouver celle qui l’a élevé mais qu’il ne reconnaît plus : « c’est une histoire très personnelle. Mon entourage m’a conseillé de faire ce film là avant les autres que j’ai en projet, car une première fiction doit constituer l’ADN de l’œuvre à venir d’un metteur en scène  ».

Un modèle à redéfinir

Actuellement en financement, le budget du film a été réévalué légèrement en dessous du million d’euros afin d’éviter un tournage en Annexe 3 et d’établir les salaires de l’équipe sur la base de forfaits. Une décision prise en conséquence de la crise liée à la Covid 19. Irrix Films a déposé un dossier au CNC pour l’attribution de l’avance sur recettes et un autre dossier auprès de la région des Hauts-de-France où Les Mouettes sera tourné intégralement. Le projet est également étudié par plusieurs distributeurs qui tardent à rendre leur décision en raison de la fermeture des salles qui ne leur permet pas de s’engager sur du long terme tant ils auront de films à sortir à la reprise : « la crise sanitaire complexifie encore davantage la production de films indépendants, explique Quentin Delcourt. Il faut être très inventif et patient. Désormais, les distributeurs se prononceront de plus en plus sur des projets très avancés en terme de production, voire déjà tournés. Je pense qu’ils vont être de plus en plus frileux à l’idée d’investir des sommes conséquentes en minimums garantis pour des premiers films sur la seule base d’un scénario. Certains films prendront, j’imagine, le risque de lancer leur tournage sans avoir bouclé leur budget. Dans un tel contexte, il faut donc que les autres partenaires financiers aient le courage de s’engager pour prouver la qualité du projet ainsi que l’intérêt et la confiance qu’il suscite. C’est le discours que j’ai tenu auprès de Pictanovo et du CNC pour qu’ils nous soutiennent. Aujourd’hui, plus que jamais, le plus difficile dans la production d’un film est de trouver les premiers 200 000 euros et les derniers 100 000 euros ».

Un témoignage qui devrait inciter les jeunes producteurs indépendants à repenser le mode de diffusion des œuvres qu’ils rêvent de porter un jour à l’écran, qu’il soit grand ou petit désormais : « les cartes ont été redistribuées pour tout le monde avec les plateformes et la qualité de leur contenu, témoigne le fondateur d’Irrix Films. Il faut être lucide, la moitié des films produits aujourd’hui seront diffusés sur une plateforme demain. Les créneaux de diffusion dans les salles sont si restreints qu’il faut avoir la certitude que votre film touchera un large public pour pouvoir consacrer trois ans de votre vie à une oeuvre qui n’aura finalement que quelques semaines de vie en salles. C’est pourquoi il faut persévérer pour produire des films de cœur, conçus dans un vrai artisanat et non surévalués. Les premiers films de nombreux réalisateurs étaient de vraies pépites, produites avec très peu d’argent et que les festivals et les exploitants ont ensuite été ravis de pouvoir accueillir et partager ».

Un casting et des chefs de postes prestigieux

Alors que le tournage des Mouettes devrait débuter en septembre prochain, Quentin Delcourt s’est d’ores et déjà entouré de personnalités de renom qui devraient séduire les investisseurs. Ainsi, les deux rôles principaux ont été confiés à Béatrice Dalle et Victor Belmondo, qui seront appuyés entre autres par Djanis Bouzyani, Laurent Lucas, Paul Gomérieux et Linh Dan Pham. Du côté de l’équipe technique, le réalisateur collaborera notamment avec le chef opérateur Vincent Mathias, lauréat du César de le meilleure photographique en 2018 pour Au Revoir Là-Haut, mais aussi avec le compositeur Christophe Julien, également nommé aux César pour le film d’Albert Dupontel, ainsi qu’avec la monteuse Marion Monestier, collaboratrice régulière de Bertrand Blier. Autant de talents qui devraient permettre au jeune cinéaste d’apporter à son premier film le réalisme poétique qui lui est cher : « l’idée sera de peindre les personnages dans leur quotidien, avec des couleurs aux tons pastels et harmonieux. La musique sera capitale. Elle devra refléter l’état d’âme des personnages dont chacun sera associé à un thème musical précis. Dans le cadre de la thématique de la bipolarité, on va travailler sur des musiques et des cadres bipolaires : des compositions à la trame narrative identifiée verront surgir, comme avec la bipolarité, des notes dissonantes ».

Un documentaire, une série, un festival et un événement en projet

En parallèle de sa première fiction, Quentin Delcourt développe également le documentaire Pygmalionnes Africa, qu’il coréalisera avec la cinéaste nigérienne Rahmatou Keita. Le film recueillera les témoignages de certaines des grandes personnalités du cinéma africain et interrogera la place qu’occupent les femmes dans cette industrie. Début du tournage à Paris en mai puis à Cannes pendant le festival en juillet, et enfin dans une dizaine de pays d’Afrique d’ici le début d’année prochaine. Le réalisateur rêve ici d’une distribution dont le modèle serait comparable à celui de Mignonnes : en salles sur le territoire français et africain, et sur une plateforme à l’international.

Autre projet d’Irrix Films actuellement en cours d’écriture et de développement, l’adaptation en série (6 x 52’) du livre de Clément Grobotek, Moi j’embrasse (Éditions Plon), qui aborde l’escorting masculin de luxe à Paris.

Par ailleurs, Quentin Delcourt prépare avec Laurence Meunier la prochaine édition du Festival Plurielles, qui se déroulera du 10 au 18 avril au Majestic Compiègne. La manifestation organisera, pour la première fois, une journée professionnelle où les distributeurs pourront présenter leurs line-up.

Enfin, Irrix Films organisera, en partenariat avec les Studios Harcourt, la « We Are Infinite Party » le 4 juin prochain, à Paris. Un événement qui célèbrera le cinéma français, après que celui-ci ait été tant éprouvé au cours des derniers mois.