Benjamin Bonnet, Eve Pajot-Brémond et Alexandre Dahan (FJPI) : « La concurrence est féroce, mais on est tous suffisamment différents pour exister à notre manière. »

5 janvier 2022
Les trois coprésidents de la Fédération des jeunes producteurs indépendants dressent le bilan de 2021 et dévoilent le programme de la 11e Journée des jeunes producteurs indépendants qui se tient le 10 janvier.

A la tête de la Fédération des jeunes producteurs indépendants depuis quatre ans, Benjamin Bonnet (Mood Films) a été rejoint cette année par Eve Pajot-Brémond (Box Fish) et Alexandre Dahan (Stupefy) en tant que coprésidents de l’association qui réunit une centaine de société des productions. La structure a pour mission de de mettre en relation les producteurs entre eux, et avec les autres acteurs de l’industrie, des diffuseurs aux prestataires techniques.

Ce lundi 10 janvier, elle organise sa Journée des jeunes producteurs indépendants (JJPI), parrainée par Christophe Rossignon (Nord-Ouest Films). L’occasion d’échanger sur quatre grands sujets qui concernent les jeunes producteurs : l’essor du documentaire, les relations avec les groupes de production, comment accompagner les auteurs au profil atypique, et comment imposer une idée originale.

Après une édition 2021 à distance, la 11e JJPI se tiendra au cinéma les 7 Batignolles, en présentiel. Quel est l’importance de ce rendez-vous pour votre fédération ?

Eve Pajot-Brémond : Après la période de Covid, il était essentiel de se retrouver. Le cœur du rôle de la fédération, c’est de créer du lien, des échanges, pour partager les bons conseils, la boîte à outils pour réussir. 

Alexandre Dahan : Le but de la fédération est de proposer une entraide entre des personnes qui n’ont pas forcément beaucoup d’expérience et d’autres qui en ont déjà un peu plus. On peut faire certains événements à distance mais la production, les nouvelles idées, cela passe tellement par la parole et les échanges que c’est essentiel de pouvoir assister à ces événements en physique.

Benjamin Bonnet : C’est ce qui fait le succès de la structure : des moments d'échanges réels. En quatre ans, on est passé de 30 producteurs à plus de 100. On crée ce lien de manière la plus pérenne possible.

Quel est le thème de la journée ?

E.P-B. : Notre particularité, c’est de travailler avec des talents émergents. On veut essayer de réfléchir autour de cette thématique : comment, en tant que jeune producteur, on arrive à accompagner de nouveaux talents. Comment on arrive à faire éclore des projets ambitieux et innovants et comment, en même temps, on arrive à insuffler cette nouvelle génération avec des talents qui ne viennent pas forcément de parcours classiques de type Fémis ou CEEA.

L’une des tables rondes de cette journée se posera la question de la possibilité de produire de façon indépendante, sans être adossé à un groupe.

A.D. : C’est un peu le sujet qu’on pourrait faire chaque année. En étant indépendant, on a conscience de faire un métier qui est particulièrement difficile. Sur les cinq dernières années, on voit que peu de boîtes indépendantes ont vraiment émergé sans avoir un appui, ou alors ce sont des gens qui n’étaient pas jeunes producteurs et qui avaient déjà 15 ou 20 ans d’expérience dans une autre boîte et qui se sont lancés.

Pour nous, en démarrant de zéro, on voit que c’est un chemin que prennent la plupart des gens qui arrivent à produire un peu plus et à grandir. Surtout qu’on est dans un contexte de consolidation, avec des groupes qui grossissent et qui se créent. Quasiment tout le monde, dès qu’il sort un petit succès, est approché par des groupes et la question se pose forcément.

E.P-B : L’idée est de questionner les atouts et les risques que ça comporte. Quels sont les points de vigilance mais aussi les opportunités ? Quand on a des projets un peu conséquents, est-ce qu’on a le choix, la légitimité ?

Vous dédiez une autre table ronde aux documentaires, pourquoi avoir fait ce choix cette année ?

E.P-B. : On s’est rendu compte qu’on avait beaucoup de producteurs de documentaires au sein de nos adhérents. Moi aussi j’en produis. L’arrivée des plateformes a vraiment changé la donne au niveau du champ des possibles, que ce soit au niveau des séries documentaires ou des grands portraits. On assiste à un essor. Il y a un nouveau public qui fait sortir le genre de son domaine très pédagogique. C’est aussi un terrain de jeu plus praticable que la fiction pour des producteurs émergents, moins lourd du point de vue logistique et humain, et qui reste très ambitieux artistiquement.

De quelle façon avez-vous fait grandir la Fédération ?

B.B. : On a pris le pari d’aller chercher des partenaires privés sur l’ensemble de la filière. On ne fait d’ailleurs qu’en signer des nouveaux, et aucun ne se désengage. Au global ça représente quand même entre 30 et 40% de notre budget annuel. On a réussi ce pari de devenir quasiment incontournables pour des marques ou des prestataires qui viennent nous chercher car ça les intéresse de bosser avec nous. On négocie aussi des tarifs pour nos adhérents.

E.P-B. : L’objectif c’est de poursuivre ces partenariats et de les faire vivre. Et de faire grandir de manière raisonnable ce réseau. Quand on démarre, le premier prestataire, le premier assureur, le premier loueur, on ne l’oublie pas. Et c'est aussi comme ça qu’on crée des familles artistiques et de prestataires. Nous venons de signer un partenariat avec le groupe Transpa. C’est un investissement avec une interlocutrice spécifique qui centralise les demandes. L’idée c’est de faire tous les efforts possibles pour nous accompagner. Car le matériel c’est aussi le nerf de la guerre.

A.D : ​​On vient également de trouver un partenaire bancaire, Neuflize OBC, qui met un ticket important pour nous soutenir, c’est significatif pour nous. Ca veut dire qu’ils considèrent maintenant que nous, jeunes producteurs, sommes les prochains qui vont avoir besoin de leurs services de banque spécialisée. Ils vont être capables de sortir un crédit pour financer nos productions quand elles vont être commandées par les chaînes.

Quel bilan faites-vous de 2021 ?

B.B. : A titre personnel, je n’ai jamais autant développé qu’en 2021. Je n’ai jamais autant signé de projets avec mes interlocuteurs que cette année. Cela vient peut être du fait que ma boîte a cinq ans et qu’on en est au moment où on commence à transformer l’essai.

E.P-B : Il n’y a pas de tendance générale mais on sent qu’il y a un gros besoin de contenus, qu’on veut tous aller vite et proposer les meilleurs projets possibles. Le nerf de la guerre c’est toujours le coût du développement et la qualité artistique, où on sent que la concurrence est féroce, mais on est tous suffisamment différents pour exister à notre manière.

A.D. : Avec les diffuseurs, je vois une grosse distance qui continue à être là. Je suis toujours aussi motivé, mais je vais vers plus de pragmatisme maintenant. La série Lupin, de par son succès sur Netflix, les a rendu friands de très grosses têtes d’affiche, de très grosses marques et donc de très grosses boîtes de prod. On voit aussi les contenus qu’Amazon produit en France : un peu de Nabilla, un peu de La Bande à Fifi, etc. Ce ne sont pas des trucs qu’on pourrait faire. A nous de voir maintenant comment on tire notre épingle du jeu, notamment en regardant ce que font France TV Slash, qui ont un petit pied dans la production indépendante, mais pas tant que ça.

Le programme complet de la 11e JJPI et le formulaire d’inscription sont disponibles sur le site fjpi.org